Quand un patient peut-il quitter les soins intensifs pour un autre service ? Au centre médical universitaire (UMC) d’Amsterdam, les médecins disposent désormais d’un système d’intelligence artificielle (IA) pour les aider à trancher.
La question du transfert d’un patient vers une autre unité est de celles qui se posent au quotidien dans les services des soins intensifs (SI) partout dans le monde. Une sortie prématurée n’est en effet pas sans risques et, si l’état du malade se dégrade au point d’imposer son retour aux SI, le risque de décès est plus élevé. Un séjour trop prolongé aux SI n’est toutefois pas à recommander non plus. « Au-delà des désagréments pour le premier concerné, il y a le problème du coût et de l’occupation d’un lit au détriment d’autres patients qui en auraient peut-être plus besoin », souligne le Dr Paul Elbers, spécialiste en médecine intensive à l’UMC Amsterdam.
Le Dr Elbers et son collègue Patrick Thoral ont donc eu l’idée d’un logiciel d’aide à la prise de décision, qu’ils ont mis au point en collaboration avec le développeur amstellodamois Pacmed. Baptisé Pacmed Critical, cet outil basé sur l’IA est capable de comparer en temps réel les données des patients hospitalisés aux SI à celles de plusieurs milliers d’autres personnes traitées dans un service de ce type dans le passé. Le logiciel peut ainsi prédire à tout moment le risque de réadmission aux SI dans la semaine qui suit le transfert vers une unité de soins infirmiers.
Au-delà d’une prédiction ponctuelle, il donne aussi une idée de l’évolution du risque au fil du temps et fournit une liste de facteurs qui étayent cette conclusion. La décision finale revient toutefois toujours à l’intensiviste, qui reste seul responsable de ses choix. « Nous voyons le système comme une sorte de second avis. En examinant comment il est utilisé sur le terrain, nous espérons pouvoir encore accroître sa valeur pour les patients et pour les prestataires de soins », précise le Dr Thoral.
L’IA dans la pratique
Pour développer le logiciel, les programmeurs ont utilisé les données-patients pseudonymisées de près de 25.000 individus récemment admis aux SI. L’objectif ultime de l’outil est d’abaisser le nombre de réadmissions, qui tourne actuellement autour de 5-10 % chez nos voisins du nord, mais aussi d’éviter les séjours inutilement longs dans ces services. « Nous pensons que c’est surtout dans les admissions non planifiées, par exemple en cas de septicémie, de pneumonie ou de covid-19, que le système pourrait s’avérer payant. Ces situations s’accompagnent généralement d’un risque de réadmission plus élevé que les séjours aux SI dans le cadre d’une intervention planifiable », précise le Dr Thoral.
Les deux spécialistes précisent encore que leur logiciel est vraisemblablement une première à l’échelon mondial. « À ma connaissance, c’est actuellement le seul outil d’aide à la prise de décision basé sur l’IA à être utilisé de cette manière dans un hôpital – comprenez, au chevet des patients hospitalisés aux SI, en alimentant les algorithmes et modèles de façon directe et en temps réel au moyen des données du dossier-patient électronique », souligne encore le Dr Thoral.
« C’est une formidable avancée », estime Wouter Kroese, cofondateur de Pacmed. « Il est très important que l’IA trouve enfin la voie de la médecine de terrain, mais cela doit évidemment se faire d’une manière sûre et responsable. En collaboration avec l’UMC Amsterdam, nous avons pris toutes les mesures nécessaires en ce sens. Toutes les exigences légales pour pouvoir utiliser ce logiciel comme dispositif médical sont satisfaites. Nous sommes prêts à déployer le système à plus grande échelle et à développer notre produit afin qu’il puisse contribuer à résoudre les problèmes de capacité et de personnel dans les hôpitaux, partout aux Pays-Bas et au-delà des frontières. »