COVID-19: non, il n’est pas question d’interrompre les traitements par IEC ou ARAII (Pr P. Lancellotti)

Dans le journal la Meuse de ce 25 mars 2020, il était mentionné que certains médicaments pour lutter contre les « problèmes de tension artérielle » augmenteraient le risque de contracter le COVID-19. En tant que cardiologue, je voudrais apporter quelques nuances à ce sujet.

L’article cible surtout les IEC et les ARAII, qui sont très très efficaces pour réduire la mortalité associée à certaines pathologies cardiovasculaires chroniques comme l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, la maladie coronaire et la néphropathie diabétique. 

Les dangers liés à l’arrêt injustifié de ces médicaments sont énormes

Pour que le coronavirus puisse entrer dans une cellule et l’infecter, il faut que celui-ci reconnaisse un récepteur (ACE2) présent à la surface de celle-ci. L’augmentation de l’expression d’ACE2, notamment en cas de maladies cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, diabète), pourrait être associée à un risque accru de contracter le COVID-19 et à des symptômes plus sévères. Un grand nombre de médicaments à visées cardiovasculaires modifient l’expression tissulaire d’ACE2. 

MAIS, contrairement aux messages véhiculés, plusieurs études suggèrent que des taux élevés d’ACE2 pourraient limiter les lésions pulmonaires induites par l’infection virale. A titre d’exemple, l’administration d’ARA-II (losartan) améliore les fonctions respiratoires de souris infectées. Deux études cliniques sont d’ailleurs actuellement en cours afin de tester les effets bénéfiques du losartan chez les patients infectés par le COVID-19 et une étude pilote évalue l’administration d’une forme recombinante de l’ACE2.

En pratique, en l’absence d’évidence clinique et de données expérimentales claires, il n’est pas recommandé d’arrêter le traitement chronique par IEC ou ARAII dans le cadre d’un éventuel effet « préventif » sur l’infection à COVID-19, ce d’autant plus qu’un déséquilibre de l’hypertension artérielle ou de l’insuffisance cardiaque pourrait être délétère. De plus, les changements dans les médicaments antihypertenseurs obligeraient les patients à se rendre à la pharmacie et éventuellement à faire des analyses de sang, ce qui augmenterait le risque d’exposition au COVID-19. Les changements de classes de médicaments antihypertenseurs nécessitent en outre un ajustement fréquent de la dose et une gestion des éventuels effets indésirables.

D’autre part, les recommandations actuelles des sociétés savantes préconisent de poursuivre le traitement par IEC ou ARAII en cas d’infection à COVID-19. Ces recommandations pourraient être amenées à évoluer rapidement, au vu des résultats des essais cliniques en cours.

> Lire à ce sujet l’avis de l’ESC: Kuster GM, et al. European Heart Journal, ehaa235, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehaa235 (consultation gratuite) (https://academic.oup.com/eurheartj/advance-article/doi/10.1093/eurheartj/ehaa235/581047

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.